Hervé Jézéquel
Photographe
Né en 1967. Vit et travaille à Suresnes.
Photographe et enseignant à l’École Nationale Supérieure d’Architecture Paris la Villette, Hervé Jézéquel place le temps, le chaos et l’entropie au cœur de ses recherches personnelles depuis ses premiers travaux. « L’œuvre du temps ; ruines et photographie » était déjà son sujet de mémoire de maîtrise des sciences et techniques, en 1990.
La marche et le voyage, le paysage et le lieu, les limites et les bordures… sont au cœur de sa réflexion et de son travail photographique. Il ne s’agit pas tant d’évoquer le désordre que l’on observe à la surface de la terre que de rechercher, retrouver, imaginer un état primitif du monde, dont l’homme a perdu la mémoire et les repères.
Hervé Jézéquel s’était d’abord intéressé à la représentation de la ruine en photographie, une architecture du désordre et de la désolation mue par un sentiment de mélancolie.
Progressivement, c’est la matière même, notamment la pierre et l’eau, qui devenaient objet de ses observations, dans leurs formes et leurs informités les plus brutes. D’une représentation pittoresque du monde, son regard basculait dans celle, sublime d’une nature plus mystérieuse, âpre et rugueuse, qui d’une certaine manière défie, par sa force et son immensité (océan, désert, paysage après catastrophe) et donne à l’homme de se confronter à un paysage dans lequel il cherche à se positionner. Il est plus particulièrement intéressé par la perte de repère et le dépaysement et les rapports complexes que l’homme entretient avec la nature (les éléments) et qui s’exprime dans sa série « Materia prima » également présentée dans cette exposition.
Souvent, dans ses images, émerge une perception indifférenciée du monde lui permettant de rendre visible un « banal » auquel on ne prête plus attention, des détails infimes du monde, des instants où se ressentent la présence ou du moins l’empreinte et les traces de notre passage. Hervé Jézéquel emprunte des chemins humides sablonneux, pierreux, entre ténèbres et lumière, son regard au bord d’un vide observe l’abîme, en spirale.
Hervé Jézéquel poursuit aussi, avec insistance, un travail sur le décryptage du paysage et du lieu, interrogeant son histoire et ses usages. Il s’intéresse à l’anthropisation, aux rapports et aux équilibres fluctuants entre nature et culture. A partir de lieux tels qu’îles, rivières et torrents, montagnes et forêts, il construit ses ensembles photographiques basés sur un vocabulaire topographique qui lui sert d’outil, celui d’un arpenteur : repérer, inventorier, classer, nommer, cadrer, ramasser, extraire.
Hervé Jézéquel travaille souvent lentement et produit ses séries de photographies sur plusieurs années. Il observe des paysages et ses images constituent pour lui des repères là où l’homme se sent bien souvent perdu. Proche d’un basculement ou au sortir des limbes de la mémoire du monde, il se situe dans une poétique de l’espace, de la géographie et du dépaysement où son expression se conjugue à présent avec d’autres medium : vidéo, dessin, écriture, installation in situ
Son travail s’imprègne de son intérêt pour la photographie ancienne, la géologie, la cartographie qui l’on conduit à collectionner et accumuler traces, documents et pierres des lieux qu’il observe. Son approche se situant à la lisière de l’art et de la science, il a aussi participé à de nombreux projets ethnographiques ou accompagner galeries et musées, en tant que commissaire d’exposition.
Il aime la compagnie d’auteurs qui lui sont chers… Ses références littéraires vont, entre autres, à Italo Calvino, Jorge Luis Borges, Gaston Bachelard. Il aime les citations qui souvent viennent en contrepoint de ses images dont celle-ci: « Je suis le point où je suis »…« je suis le lieu géométrique de toutes les contradictions. » Paul Valery.
Il a publié plusieurs articles et il est l’auteur de deux ouvrages : « L’île Carn, rencontre en bordure du temps », Créaphis, 2002 et « Mémoires d’Islande », Atelier des Brisants, 2010. Il vient de publier « Surtsey, la forme d’une île » aux Editions Créaphis, avec l’ethnologue Vanessa Doutreleau.
Technique
Hervé Jézéquel travaille avec tout type de matériel traditionnel argentique : chambre 4×5 inch, 6×6 cm ou 24X36 cm avec des films argentiques ou selon des techniques numérique.
Les tirages noir et blanc sont effectués manuellement à l’agrandisseur et les épreuves couleurs réalisés selon un processus argento/numérique.
SURTSEY LA FORME D’UNE ÎLE
Surtsey est une île-volcan créée après une série d’éruptions, de 1963 à 1967, à une trentaine de kilomètres au sud de l’Islande. Depuis son émersion l’île ne cesse de rétrécir, rongée par l’océan, les vents violents et les tempêtes qui balaient ces régions. Déclarée réserve naturelle protégée, Surtsey est interdite à l’homme dès 1965, à l’exception des expéditions annuelles conduites par des scientifiques réunis en un institut de recherche (Surtseyjarfélagið).
Nous suivons pas à pas les auteurs dans une enquête passionnante sur cette histoire en train de se faire. Vanessa Doutreleau, en ethnographe de l’inhabité et de l’impermanence des lieux, et Hervé Jézéquel, en photographe, questionnent ici la forme d’une île et sa capacité à produire un imaginaire universel en lien avec la mythologie nordique. Plus encore, l’expérience Surtsey révèle le processus d’appropriation d’une terre, aussi éphémère soit-elle, tant d’un point de vue physique que symbolique, et de sa mise en patrimoine. Le livre mêle les récits de l’île, réels et imaginaires, aux regards scientifiques et artistiques. En célébrant la beauté et le mystère de ces paysages et de ces matières, les photographies offrent une vision documentaire et esthétique de ce laboratoire de la création.
Cet artiste a participé au 19PaulFort à :
> L’exposition « Un souffle des îles » du 11 au 13 avril 2023
> L’exposition « Aux confins de la terre et du feu – Quatre artistes voyageurs » du 23 mars au 18 avril 2021 (reportée du 6 au 12 mai 2021 à la suite du confinement)