Exposition
« Au fil du désert ;
Tapis-météorites »
Tapis
des femmes
de la tribu
Aït Kebbach
Reinhold Ziegler
Créateur de bijoux
du jeudi 4 au dimanche 21 décembre 2014
de 16h à 21h
Les météorites pleuvent sur le désert du Sahara, ce tapis qui est comme une « nappe tendue immaculée sous le ciel pur »
Saint Exupery-Terre des hommes.
Les tapis des Aït Khebbach ne sont jamais très loin des météorites devenues « bijoux » entre les mains de Reinhold Ziegler.
Nous vous attendons dès le 4 décembre pour cette exposition au cours de laquelle Arnaud Maurières, Eric Ossart et Lahcen Aït Khouya dédicaceront l’ouvrage « Maroc, couleurs désert » et Reinhold Ziegler tiendra une conférence sur « Cosmic Débris-Météorites et Bijoux objets »(date confirmée dès le 1er jour de l’exposition).
Tapis Aït Khebbach : une sélection de pièces exceptionnelles collectées dans le désert en 2012 et 2013 sera proposée pour la première fois à la vente. Ces tapis ont fait l’objet d’une exposition au musée Bargoin à Clermont-Ferrand et sont actuellement exposés à l’Institut du Monde Arabe dans le cadre du « Maroc Contemporain ».
TAPIS
En février 2011, deux passionnés de textile, Arnaud Maurières et Eric Ossart sont invités dans la famille de leur jeune guide berbère, Lahcen Aït Khouya. Ils racontent : « En quittant Merzouga, nous traversons une plaine absolument déserte, sans arbre, sans ombre, sans eau. Là, au milieu de
nulle part, deux abris de terre crue et une cour ouverte hébergent toute la famille. Neuf personnes partagent l’exiguïté de ces murs nus et bruts sans peinture ni meuble. Le seul mobilier apparent : une pile de textiles rangés sous une couverture. Les tapis sont dépliés et les coussins posés contre les murs pour nous accueillir. Quand ils se révèlent à nos yeux, nous sommes éblouis par les couleurs que nous n’avons jamais vues au Maroc. » Sans le savoir, c’est le début d’une aventure : celle de la rencontre avec les femmes de la tribu Aït Khebbach, celle d’une collecte de textiles exceptionnels qui n’avaient jamais quitté ces tentes et maisons de terre, que nul marchand n’avait jamais achetés. Personne n’aurait imaginé un seul instant l’effervescence créative de ces femmes. Elles n’ont presque rien : des métiers rudimentaires autrefois utilisés pour tisser les tentes, la laine de leurs animaux, moutons, chèvres ou dromadaires, et des couleurs incroyables provenant d’anciens pulls détricotés. Elles tissent de petits tapis pour servir de couchage et pour décorer leur maison. Elles tissent peu, juste ce qui leur faut quand un enfant naît et quand il grandit. Rapidement, Arnaud et Eric comprennent que ses femmes tissent des tapis depuis très peu de temps, une trentaine d’années tout au plus, et qu’elles ont conservé leurs premières créations. Les pionnières, comme la grand-mère de Lahcen, Fatima Oukharbouch, sont identifiées et racontent l’histoire de leurs premiers tissages. Puis ils rencontrent les filles et belles-filles, comme Touda Boumrour, la mère de Lachcen, qui ont perfectionné les motifs et les techniques et enfin les petites filles qui ont aujourd’hui une vingtaine d’années et qui perpétuent ce qui est devenu un style, celui de la tribu Aït Khebbach.
L’INVENTION DU STYLE AIT KHEBBACH
Quand les femmes Aït Khebbach commencent à tisser, la tribu n’a aucun patrimoine textile qui lui soit propre. Aussi n’ont-elles aucune incitation familiale ou tribale qui leur impose un motif plutôt qu’un autre. Face à cette liberté d’expression, copie et création sont associées pour définir un style original. Ainsi chaque tapis apporte sa contribution à la construction du patrimoine collectif de la tribu.
LES MODELES DES PREMIERS TAPIS
Le tapis algérien.
Présents dans quelques maisons, de grands tapis à motif de résilles rouges sur fond noir sont considérés comme un patrimoine précieux. Connus sous le nom de qtifa cherguïa, ils proviennent de l’Algérie actuelle, de la région du Djebel Amour, dont les Aït Kebbach n’étaient pas éloignés avant le tracé des frontières entre l’Algérie et le Maroc en 1956. Ils constituent les premiers modèles des nouvelles tisserandes : le motif de résille, récurrent dans de nombreux Aït Khebbach, trouve là son origine. Quelques tapis algériens anciens ayant inspirés les tisserandes seront d’ailleurs proposés à la vente.
Les colliers de mariage.
Ornement indispensable dans les années soixante, des tissages de perle était portés autour du cou par la mariée. Ce collier est constitué de deux bandes tissées rectangulaires reliées par six rangs de perles noires. Le décor des bandes est une suite de deux ou trois losanges divisés en quatre. Les motifs triangulaires ainsi formés sont de couleurs vives et contrastées. Ces bijoux sont restés dans les familles et ont inspiré la composition des premiers tapis originaux tissées par les Aït Khebbach. Une dizaine de colliers seront présentés à cette exposition.
Les tapis en damier.
Ces tapis se retrouvent sur un axe qui suit la route entre la plaine de Meknès et le Tafilalet, traversant le Haut Atlas dans la région d’Azrou. Le modèle récurrent, décliné dans toutes les tailles, est un damier très régulier orange et noir. Les damiers Aït Khebbach les plus anciens sont très irréguliers et composés de matériaux hétérogènes. Ils sont déclinés dans toutes les couleurs possibles et enrichis par des motifs variés, disposés à l’intérieur des carrés.
DE LA TENTE AU TAPIS , CE QUE TISSENT LES FEMMES AÏT KHEBBACH
Des tentes.
Pendant des siècles, le tissage essentiel des nomades a été celui de la tente (takhamt). Celle-ci est composée par l’assemblage de longues bandes qui forme un large vélum posé sur des piquets de bois pour constituer le toit. Il est fixé au sol par d’autres bandes transversales, plus étroites, cousues sur le velum. Toutes les bandes sont tissées sur un métier horizontal (lmadra sofïa). Elles sont réalisées en poil de chèvre et leur couleur est d’un brun très foncé, presque noir. Le poil de chèvre ne retient pas l’eau comme la laine de mouton ou de dromadaire et n’alourdit donc pas la tente lorsqu’il pleut. D’autres bandes plus larges sont tissés sur métier verticaux (astta) pour constituer des murs verticaux (ahlas). Quand les tisserandes n’ont plus tissé de tente, elles se sont servies de ces métiers pour tisser des tapis.
Des couvertures.
Les femmes tissent aussi des couvertures (asdal) en laine naturelle d’une taille d’environ 2m x 1m. Elles sont tissées avec la laine de mouton ou celle de dromadaire. L’alternance des différentes couleurs de laine naturelle est le seul décor de ces textiles. Ces couvertures servent à tout : à couvrir le sol pour dormir, à se réchauffer pendant les nuits d’hiver, à recouvrir les couchages qui sont pliés pendant la journée, à faire des hamacs pour les jeunes enfants, à envelopper le mobilier textile lorsque la famille se déplace. Comme en témoignent les exemples présentés ici, l’introduction de laines détricotées de couleurs vives, quelques points noués pour créer un motif dans les couvertures sont certainement à l’origine du tissage des tapis de couchage.
Pour l’exposition, plusieurs couvertures ont été sélectionnées pour illustrer l’évolution du tissage ces trente dernières années. Des tapis et des coussins. Traditionnellement, les Aït Khebbach n’ont donc jamais produit de tapis comme d’autres tribus du Maroc. Il faut rappeler que le tissage des tapis a été initié dans les villes et développé dans les régions rurales par l’administration coloniale française. Encouragée par le tourisme après l’indépendance, la production des tapis a considérablement augmenté à la fin du 20e siècle. De ce fait, la plupart des pièces proposées dans les souks ont été tissées pour être vendues et sont de fabrication récente. Les Aït Khebbach, très isolés du reste du pays, n’ont jamais été en contact avec les marchands ou les étrangers amateurs de tapis tribaux et n’ont pas eu les moyens d’acheter des laines de couleur. Ils sont donc restés fidèles à leurs tissages domestiques traditionnels jusqu’à une époque récente. La sélection de pièces présentée à cette exposition est parfaitement représentative de l’évolution du style Aït Khebbach. On trouvera des tapis rares, pièces de collection à accrocher au mur et des pièces récentes à poser au sol.
MÉTÉORITES
« Une étoile luisait déjà, et je la contemplais. Je songeai que cette surface blanche était restée offerte aux astres seuls depuis des centaines de milliers d’années. Nappe tendue immaculée sous le ciel pur. Et je reçus un coup au cœur, ainsi qu’au seuil d’une grande découverte, quand je découvris sur cette nappe, à quinze ou vingt mètres de moi, un caillou noir. (…) Le cœur battant, je ramassai donc ma trouvaille : un caillou dur, noir, de la taille du poing, lourd comme du métal et coulé en forme de larme. Une nappe tendue sous un pommier ne peut recevoir que des pommes, une nappe tendue sous les étoiles ne peut recevoir que des poussières d’astres : jamais aucun aérolithe n’avait montré avec une telle évidence son origine. Et tout naturellement, en levant la tête, je pensai que, du haut de ce pommier céleste, devaient avoir chu d’autres fruits. (…). Et aussitôt, je m’en fus en exploration pour vérifier mon hypothèse. Elle se vérifia. Je collectionnai mes trouvailles à la cadence environ d’une pierre par hectare. Toujours cet aspect de lave pétrie. Toujours cette dureté de diamant noir. Et j’assistai ainsi, dans un raccourci saisissant, du haut de mon pluviomètre à étoiles, à cette lente averse de feu. »
Saint Exupery, Terre des hommes