Vincent Ségal écrit :
Passer des heures à répéter la musique de Koki Nakano sans pouvoir échanger une conversation sérieuse est merveilleux. Pas de japonais, pas de français, pas d’anglais, pas de diplomatie, juste un territoire : l’Art de Koki Nakano. Le piano et le violoncelle sont des outils sommaires mais ils ont une mémoire, un ADN, une histoire et ces outils vénérables volumineux et peu pratiques à l’heure de la dématérialisation sont de merveilleux musiciens. Grâce à eux, sans échanger un mot, il y a des questions, de la sueur, de l’ardeur, du rire, de l’acrobatie, de l’agacement, la peur de mal faire, l’art de bien faire, de la plénitude.
Dans le minuscule studio des Buttes Chaumont, où Koki résidait, je pouvais avec mon archer toucher le piano droit, et de la main gauche faire chauffer de l’eau, mais en sortant, j ‘avais l’impression d’avoir été sur Mars, au bord d’un lac, dans un loft berlinois, avec des fées. La musique ne signifie rien, et pourtant, c’est une question de vie et de mort pour Koki Nakano.
Gaspar Claus écrit :
Au Japon, dans une immense ville tentaculaire, la plus peuplée du monde, il y a partout des petites ruelles. On a à peine quitté une grande artère qu’on se retrouve plongé dans un univers villageois, charmant, tranquille et joyeux.
Un jour, marchant dans une de ces ruelles j’ai vu passer un chariot chargé d’enfants qui se faisaient trimballer vers l’école par deux dames. Ces deux dames les tiraient, à pied, et les petits jetaient des regards à la fois sages et malicieux sur le monde qui défilait ainsi sous leurs yeux. C’était à Koenji, un de ces endroits au monde où je me suis toujours senti très heureux.
Les compositions de Koki Nakano m’ont immédiatement plongé dans le souvenir de ce moment, dans la ruelle de Koenji, avec les enfants qui passaient en chariot. Elles sont habitées de la joie de celui qui flâne et se laisse surprendre par les petites choses. Le piano de Koki sautille et danse sans direction précise, laisse tomber ses notes tout autour de lui, parfois s’arrête sur une couleur, se surprend lui-même à esquisser un pas inattendu, un nouveau rythme de marche qu’il répète avec curiosité tandis que le violoncelle de Vincent Segal promène ses archets comme celui qui sifflote en écho aux mille événements qui l’entourent, attentif à leur complexité tout autant qu’à la grande évidence de ce qui a simplement lieu.
Vincent Segal, violoncelliste
Depuis 20 ans de carrière, Vincent Segal expérimente dans tous les registres : classique, jazz, contemporain, rock et musiques africaines. Il a fondé avec Cyril Atef le célèbre duo Bumcello qui a obtenu une victoire de la musique en 2006. Vincent Segal a aussi joué dans la rue et à l’Opéra de Lyon, avec le chanteur M ou le chanteur pop folk Piers Faccini. Il a travaillé avec de nombreux autres artistes comme Sting, Elvis Costello, Sébastien Martel, Maggic Malik, Cesaria Evora… Récemment, son duo avec le Koriste Ballaké Sissoko a été nominé aux Victoires de la Musique.
Koki Nakano, pianiste
Jeune pianiste japonais de 28 ans, a composé des pièces étonnantes pour violoncelle et piano qu’il interprète avec Vincent Segal. Sa connaissance de la musique classique française et allemande, des répétitifs américains, du jazz et de la pop lui laisse toutefois la liberté de construire un monde musical personnel dont le CD « Lift » livre un aperçu enthousiasmant.
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Photos de Xavier Lambours :
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