Pierre Baey
Céramiste, sculpteur
Né le 7 août 1940 à Rambouillet (Yvelines). Vit et travaille en France
Pierre Baey a fait ses études à l’école des Beaux-Arts de Bourges, dans l’atelier de Jean et Jacqueline Lerat, en 1966-1967.
Fasciné par les œuvres de grandes dimensions, il utilise le béton aussi bien que la terre pour exprimer les mouvements grégaires de l’humanité. Il réalise des œuvres fantasmagoriques, montrant des visions de villes, mi-archéologiques, mi-futuristes. L’une de ces pièces lui a permis, en 1991, de gagner le prix « Hommage à Bernard Palissy », organisé au musée des Arts décoratifs de Paris.
Pierre Baey est un sculpteur dont la matière première était originellement l’argile et qui dans les années 1980 est passé au béton. Plusieurs raisons ont motivé ce passage : l’impossibilité de faire de grandes pièces, les problèmes liés à la cuisson et des exemples d’autres céramistes autour de lui.
Le béton c’est la liberté trouvée pour élaborer de grandes pièces dans lesquelles tout l’imaginaire de Pierre Baey trouve sa place. Ce dernier est rempli de connaissances de l’antiquité grecque et romaine Argos, des péplums qui reconstituent ces époques au cinéma, de musique Grand-Père et tout particulièrement de celle du jazz, du rejet de la violence et de la recherche de la liberté Free Afgan, de fines observations de la vie quotidienne Chaise, de son goût pour jouer avec les mots ABC D, Au bouton inconnu…
Les sources qui nourrissent la genèse des sculptures sont infinies et toujours présentes dans sa mémoire. Ses «à propos» sont la mise en mots de tous les ruisseaux qui alimentent sa création.
La révolte inscrite dans le béton
Pierre Baey est un artiste atypique: un matériau peu utilisé, des pièces souvent de taille et de poids défiant achats et installations et finalement assez peu d’œuvres réalisées. Mais quand on parle béton, son nom ressort immanquablement.
Tout, dans le personnage de Pierre Baey, affiche une volonté de mener sa barque comme bon lui semble. A commencer par son choix de vie : ce Nordiste né pendant la guerre, qui a fait ses études au centre de la France (Bourges), qui a vécu ensuite à Paris, choisit de s’installer dans les Cévennes, une région loin des réseaux qui font la loi, une région où abondent les artistes «alternatifs », les ex-hippies… et plus précisément, il choisit le village de Sauve, où résident de nombreux artistes.
Venu du Nord, Pierre Baey est donc passé par les Beaux-Arts de Bourges, un choix mûrement réfléchi: à l’époque, c’était l’école qui avait les meilleurs profs en céramique et en grès. L’artiste commence ensuite une carrière dans la prolongation de cet enseignement. La voie semblait donc tracée. Il va pourtant choisir les chemins de traverse…
Le choix du béton comme matériau
L’artiste donne une explication finalement très prosaïque de ce choix: « C’est tout simple, je me suis heurté à un problème technique: la cuisson au four d’une pièce céramique plus volumineuse que les autres s’est mal passée, et j’ai alors atteint la limite du matériau. Comme je voulais fabriquer cette pièce, je suis passé au béton. C’était en 1984. En fait, c’est avant tout une question d’échelle. J’avais envie de faire des grandes pièces, et le béton s’y prête mieux”.
Pendant quelques années, il continue à travailler les deux matériaux en alternance. Dans le domaine de la céramique, il obtient même quelques belles réussites, comme ce plat exposé et primé aux Arts Déco en 1991 pour le quatrième centenaire de Bernard Palissy.
Les deux matériaux l’emmènent vers des chemins totalement différents, car c’est bien la matière qui fait sa loi et impose aussi les créations: “au final, quand on change de matériau, et quand on change de dimension, on finit aussi par changer de sujet!”.
Depuis, l’artiste a fait du béton son matériau de prédilection et a organisé deux expositions importantes à Paris à quinze ans d’intervalle pour faire reconnaître les possibilités du béton qui, s’il a acquis depuis Le Corbusier ses lettres de noblesse dans l’architecture, tardait à être reconnu dans le domaine de la sculpture.
Avec le béton, Pierre Baey n’hésite plus. Il fait des pièces qui mesurent plusieurs mètres et pèsent plusieurs tonnes. Au final, assez peu de pièces, une cinquantaine, mais qui toutes rendent compte de ce qu’éprouvait l’artiste au moment où il les a faites. Pierre Baey a conçu à sa manière une œuvre politique et ce qu’il a à dire a d’autant plus de consistance que cela se retrouve moulé à jamais dans le béton.
Un grand versant de son œuvre est en phase avec sa génération, ses opinions, son mode de vie. Mais l’artiste tempère quand même cette ardeur révolutionnaire: « C’est sûr, certaines de mes oeuvres parlent de la guerre et de la connerie, mais parfois, j’ai le sujet, mais je ne trouve pas la théâtralité et dans ce cas je laisse tomber. Par exemple, le Paris-Dakar: c’est bien un truc que je déteste, mais pour l’instant, je n’ai pas créé d’œuvres là-dessus, je n’ai pas trouvé. Et puis, la politique ne fait quand même pas tout: je peux aussi être inspiré par ma grand-mère ou par le chat du voisin! Finalement, on fait avant de savoir ce qu’on va faire. Ce qui est sûr en revanche, c’est que chaque pièce a une histoire et que l’histoire que j’ai envie de raconter n’est certainement pas «le monde est beau».
Avec Génération Toaster, Pierre Baey montre que l’humour peut aussi faire partie de son oeuvre. Voilà six joueurs de babyfoot sur une même ligne, enfournés dans un grille-pain. Tous identiques: “Génération Toaster, ça m’a bien plu, car finalement, si on bouffe tous la même chose, on risque de ressembler à ça, une armée de clones ».
Fin 2017, l’artiste quittait son village de Sauve.
Avant de partir pour un autre village gardois, il a mis la dernière main à un énorme cactus… 800 kilos de béton pour une espèce de pièce phallique de trois mètres de haut, verte et couverte de piquants… La pièce a été installée dans un jardin de sculptures à Lussan, non loin de là.
L’artiste s’en va, mais laisse derrière lui cette gigantesque plante à laquelle on n’ose se frotter…
De quoi faire, régulièrement, une piqûre de rappel pour ceux qui pourraient l’oublier :
Je m’appelle Pierre Baey, j’ai vécu pas loin d’ici, et puisque je ne vous titillerai plus avec mes œuvres, je vous laisse ce cactus à ma place. Il se chargera de vous piquer de temps à autre, même après mon départ.
Cet artiste a participé au 19PaulFort à :
> L’exposition « La poétique de la démesure », du 13 juin au 7 juillet 2024