Au delà de ce que l’œil voit
mardi 6 septembre au samedi 24 septembre 2022
Trois artistes confrontent leurs visions du processus de création
Philippe Bonnin – Antoine Leperlier – Andoche Praudel
Philippe Bonnin
« Faire émerger de la terre les tensions enfouies qui vont lui donner forme, qui vont dessiner un réseau de cracks!
Au sein de ces minces couches d’argiles (Montmorillonites, illites…), apparaît un graphe de fêlures, de déchirures, qui condense toute l’histoire complexe de la résolution des puissantes forces nées sous l’effet de la dessiccation, et qui ne doit rien au hasard. Nous ne gardons ici que la seule trace engendrée sur la plaque de verre, image étrange, aux suggestions biologiques, animales aussi bien que végétales ou minérales, imprimée sur le verre, sous la mosaïque finale. Elle résume le long scénario qui lui a donné naissance, pas à pas. Par sa forme, le réseau de veines raconte une aventure topologique guidée par les choix initiaux. Il suit des règles de composition qu’il faut apprendre à lire. Ce que la théorie mathématique des graphes nomme des réseaux hiérarchiques, et que l’on retrouve dans d’autres règnes naturels, dans de multiples formes générées par des systèmes vivants : feuilles d’arbres, faïençages des émaux, organisation de tissus cellulaires, plans de nos cités… toutes formes qui nous fascinent parce qu’apparemment complexes, elles obéissent pourtant à des lois simples que devine notre œil. »
>Voir la fiche de Philippe Bonnin
Antoine Leperlier
« Les qualités physiques et la nature même du verre et de l’aquarelle déterminent essentiellement mes dernières œuvres. La transparence et la fluidité, leurs propriétés communes contribuent à l’émergence au bout du pinceau comme au sein de la masse en fusion, d’images imprévisibles. La peinture et le travail du verre ont ceci de commun qu’ils jouent, dans un même laisser-faire et en donnant sa chance au hasard, avec un équilibre instable au cœur d’un chaos complice. Cristallisant toute la durée de leur lente élaboration, ces images se révèlent après-coup comme autant de signes qui apaisent l’attente intérieure. A l’orée du sens quelque chose « cogne à la vitre », qui n’était pas attendu.
Ces images sont comme autant de synthèses impossibles de deux états contradictoires de la nature du présent, le flux et le fixe. Stabilité et agitation, repos et chaos, instantanéité infinie, éternité en bascule ou encore apparition disparaissant, autant d’états de la temporalité qui se fixent au hasard dans ces deux matériaux. »
>Voir la fiche d’Antoine Leperlier
Andoche Praudel
« Dans l’expérience du céramiste, un mystère : le lieu de la métamorphose sera toujours dans le secret du four et, même si celui-ci comporte des regards, au fur et à mesure que la température monte, on n’y verra plus rien, la terre elle-même devenant transparente à très haute température…
Ce point restera anecdotique pour le spectateur de la pièce finie, hors de l’atelier. Mais, pour le vase ou le bol, un autre mystère demeure aux yeux de tous dans leur façon d’être. J’ai personnellement choisi de réaliser, la plupart du temps, des contenants à cause de ce paradoxe : le potier crée autour du vide et le pot donne forme au vide. Que mettons-nous alors dans cette forme à l’image de nos deux mains jointes?… Se poser simplement la question est agir en auteur, c’est-à-dire en artiste. Quant aux réponses, elles sont multiples et provisoires, comme les paysages du vent : des images qui vont et viennent, se forment et s’effacent.
Le potier est alors pris entre la rationalité de tout ce qui est déterminé et l’indéterminé, le vide. En effet, si la prise en compte des données scientifiques (physico-chimiques, géologiques), vues une fois pour toutes, est nécessaire pour que l’expérience aboutisse, l’attitude consciente et volontaire ne saurait suffire à expliquer l’émotion qu’une œuvre réussie suscite. »
> Voir la fiche d’Andoche Praudel
Une discussion avec les artistes a lieu samedi 10 septembre à 19h ; présentation par François Sagnes