Femmes de la tribu marocaine Aït Khebbach
Créatrices textiles
L’INVENTION DU STYLE AIT KHEBBACH
Quand les femmes Aït Khebbach commencent à tisser, la tribu n’a aucun patrimoine textile qui lui soit propre. Aussi n’ont-elles aucune incitation familiale ou tribale qui leur impose un motif plutôt qu’un autre. Face à cette liberté d’expression, copie et création sont associées pour définir un style original. Ainsi chaque tapis apporte sa contribution à la construction du patrimoine collectif de la tribu.
LES MODÈLES DES PREMIERS TAPIS
Le tapis algérien
Présents dans quelques maisons, de grands tapis à motif de résilles rouges sur fond noir sont considérés comme un patrimoine précieux. Connus sous le nom de qtifa cherguïa, ils proviennent de l’Algérie actuelle, de la région du Djebel Amour, dont les Aït Kebbach n’étaient pas éloignés avant le tracé des frontières entre l’Algérie et le Maroc en 1956. Ils constituent les premiers modèles des nouvelles tisserandes : le motif de résille, récurrent dans de nombreux Aït Khebbach, trouve là son origine. Quelques tapis algériens anciens ayant inspirés les tisserandes seront d’ailleurs proposés à la vente.
Les colliers de mariage
Ornement indispensable dans les années soixante, des tissages de perle était portés autour du cou par la mariée. Ce collier est constitué de deux bandes tissées rectangulaires reliées par six rangs de perles noires. Le décor des bandes est une suite de deux ou trois losanges divisés en quatre. Les motifs triangulaires ainsi formés sont de couleurs vives et contrastées. Ces bijoux sont restés dans les familles et ont inspiré la composition des premiers tapis originaux tissées par les Aït Khebbach. Une dizaine de colliers seront présentés à cette exposition..
Les tapis en damier
Ces tapis se retrouvent sur un axe qui suit la route entre la plaine de Meknès et le Tafilalet, traversant le Haut Atlas dans la région d’Azrou. Le modèle récurrent, décliné dans toutes les tailles, est un damier très régulier orange et noir. Les damiers Aït Khebbach les plus anciens sont très irréguliers et composés de matériaux hétérogènes. Ils sont déclinés dans toutes les couleurs possibles et enrichis par des motifs variés, disposés à l’intérieur des carrés.
DE LA TENTE AU TAPIS, CE QUE TISSENT LES FEMMES AÏT KHEBBACH
Des tentes
Pendant des siècles, le tissage essentiel des nomades a été celui de la tente (takhamt). Celle-ci est composée par l’assemblage de longues bandes qui forme un large vélum posé sur des piquets de bois pour constituer le toit. Il est fixé au sol par d’autres bandes transversales, plus étroites, cousues sur le velum. Toutes les bandes sont tissées sur un métier horizontal (lmadra sofïa). Elles sont réalisées en poil de chèvre et leur couleur est d’un brun très foncé, presque noir. Le poil de chèvre ne retient pas l’eau comme la laine de mouton ou de dromadaire et n’alourdit donc pas la tente lorsqu’il pleut. D’autres bandes plus larges sont tissés sur métier verticaux (astta) pour constituer des murs verticaux (ahlas). Quand les tisserandes n’ont plus tissé de tente, elles se sont servies de ces métiers pour tisser des tapis.
Des couvertures
Les femmes tissent aussi des couvertures (asdal) en laine naturelle d’une taille d’environ 2m x 1m. Elles sont tissées avec la laine de mouton ou celle de dromadaire. L’alternance des différentes couleurs de laine naturelle est le seul décor de ces textiles. Ces couvertures servent à tout : à couvrir le sol pour dormir, à se réchauffer pendant les nuits d’hiver, à recouvrir les couchages qui sont pliés pendant la journée, à faire des hamacs pour les jeunes enfants, à envelopper le mobilier textile lorsque la famille se déplace. Comme en témoignent les exemples présentés ici, l’introduction de laines détricotées de couleurs vives, quelques points noués pour créer un motif dans les couvertures sont certainement à l’origine du tissage des tapis de couchage. Pour l’exposition, plusieurs couvertures ont été sélectionnées pour illustrer l’évolution du tissage ces trente dernières années.
Des tapis et des coussins
Traditionnellement, les Aït Khebbach n’ont donc jamais produit de tapis comme d’autres tribus du Maroc. Il faut rappeler que le tissage des tapis a été initié dans les villes et développé dans les régions rurales par l’administration coloniale française. Encouragée par le tourisme après l’indépendance, la production des tapis a considérablement augmenté à la fin du 20e siècle. De ce fait, la plupart des pièces proposées dans les souks ont été tissées pour être vendues et sont de fabrication récente. Les Aït Khebbach, très isolés du reste du pays, n’ont jamais été en contact avec les marchands ou les étrangers amateurs de tapis tribaux et n’ont pas eu les moyens d’acheter des laines de couleur. Ils sont donc restés fidèles à leurs tissages domestiques traditionnels jusqu’à une époque récente.
La sélection de pièces présentée à cette exposition est parfaitement représentative de l’évolution du style Aït Khebbach. On trouvera des tapis rares, pièces de collection à accrocher au mur et des pièces récentes à poser au sol.
Ces artistes ont participé rue Paul Fort à :
> Exposition « Au fil du désert (2) », du 15 au 30 novembre 2016
> Exposition « Au fil du désert ; Tapis-Météorites » du 4 au 21 décembre 2014